Le Québec cuisine

Depuis 12 000 ans!

Terminons l’été avec le brocoli et la barbue, poisson du Sud-Ouest québécois.

Le brocoli est, sans doute, le légume vert le plus présent sur les tables québécoises du XXIe siècle. La mode remonte aux année 1960 alors que le brocoli régnait à la table des Kennedy, même si le président lui-même préférait la cuisine de la Nouvelle-Angleterre à la cuisine française du chef français engagé par Jacqueline Lee Bouvier, sa femme d’origine française. Par la suite, le président Bush père défendit qu’on servît du brocoli à la maison Blanche ; il le détestait comme beaucoup d’Américains. Ce sont les scientifiques de la santé qui lui donnèrent ses lettres de noblesse dans les années 1980 à cause de ses qualités anti-oxydantes, bonnes pour lutter contre les principales maladies contemporaines. Le Québec a suivi la mode américaine et consomme beaucoup de brocoli depuis 1967, l’année de l’Exposition universelle de Montréal. On le cuisine surtout à l’américaine, à l’italienne et à la chinoise parce que nous n’avons pas de véritable tradition de consommation de brocoli, aux siècles précédents. Le brocoli est arrivé en France avec les cuisiniers de Catherine de Médicis, l’épouse du roi français, Henri II, mais il n’eut pas de succès à la cour ni dans la bourgeoisie française du siècle suivant, de sorte qu’on ne l’amena pas au Canada, sous le Régime français. Ce sont les Américains venus fonder Ottawa qui le plantèrent, en premier, à Gatineau, en 1800, selon Kathlee Walker (Ottawa’s Repast, 150 years of Food and Drink, 1995).

Quant à la barbue, c’est l’un des poissons les plus illustres de notre histoire culinaire même s’il est, aujourd’hui, complètement méconnu. On le connait plus sous son nom anglais « catfish », parce qu’il est très populaire chez nos cousins de la Louisiane. Le chef acadien Paul Prudhomme le fit largement connaître dans ses émissions de télévision américaine Always Cooking, dans les années 1980 ! Mais on a complètement oublié qu’on a une très longue consommation de barbue, chez nous. Il faut dire, d’abord, qu’entre le VI e et le IXe siècle de notre ère, il était le poisson préféré des ancêtres des Iroquoïens du Saint-Laurent que Jacques Cartier a rencontré en Gaspésie, en 1534, puis à Québec et à Montréal, en 1535. Les autochtones du Québec, alliés des Français, leur firent connaître ce poisson qui était absent du territoire français. Les Français en tombèrent amoureux aussi parce qu’il était sans écaille, sans trop d’arêtes, et surtout parce que c’était un poisson gras comme le saumon, l’anguille, le maquereau et le hareng, des poissons qu’ils estimaient beaucoup à cause de leur gras sans savoir, à l’époque, que ce gras de poisson était plein d’oméga 3 et donc, bon pour la santé humaine. Les familles de pêcheurs du Centre du Québec, entre Québec et la frontière ontarienne, y compris la Montérégie, pêchent toujours la barbue. Les recettes que je vous donne cette semaine sont issues de cette partie de notre territoire.

Bonne fin d’été à tous et profitez de l’abondance de nos marchés pour cuisiner nos produits locaux.

Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec