Le Québec cuisine

Depuis 12 000 ans!

Que nous apprend la pandémie actuelle, au plan culinaire?

L’objectif fondamental de ce blogue est de vous communiquer l’essentiel du patrimoine culinaire des peuples qui se sont installés, tour à tour, dans le territoire québécois. Ce territoire s’est officiellement défini lors de la création du Canada en 1867, mais il est peuplé par différents groupes humains depuis au moins 14 000 ans. Ces cuisines apportées d’ailleurs se sont toutes métissées au fil du temps pour créer une cuisine territoriale vivante qui ne cesse de s’agrandir au fil des nouveaux arrivants et des événements. Beaucoup d’événements comme les changements climatiques, les guerres, les décisions politiques, les épidémies, les orages ou des pluies violentes, les invasions d’insectes ravageurs, les déséquilibres écologiques entre espèces animales, nos gouts excessifs pour certains aliments aux dépends d’autres, etc. ont provoqué des pénuries d’aliments qui ont changé notre histoire culinaire au cours des siècles. Le corona virus va changer notre cuisine.

Les groupes humains qui s’en sont sortis sont d’abord ceux qui ont su développer des stratégies de survie en se faisant des provisions à long terme et des en-cas. Par exemple, les nations de langue algonquienne d’origine se faisaient de grosses provisions de poisson fumé pour l’hiver et de gibier fumé pour l’été. Les nations de langue iroquoïenne se faisaient des réserves de maïs séché et de haricots secs pour au moins 2-3 ans, chaque année, et cachaient une partie de ces denrées dans des paniers enfouis sous la terre au cas où. Les Inuits se cachaient des provisions de caribou, de phoque et d’omble de l’Artique enveloppées de mousse verte qu’ils entreposaient sous des pierres à l’abri des animaux. Ceux du Labrador se mettaient même des feuilles et des fleurs dans de l’huile ou de la graisse de phoque pour avoir des légumes verts en hiver. En Europe, on se plantait toujours plus de blé que pour une année et au cas où le blé ne lèverait pas, on se plantait au moins un arpent de chaque sorte de céréale comme l’avoine, le sarrasin, le seigle et l’orge. Nos ancêtres français installés au Québec ont d’ailleurs gardé cette coutume jusqu’au milieu du XIXe siècle où l’appauvrissement de nos terres et l’infestation du blé par un insecte ravageur les obligea à se tourner vers d’autres aliments connus qui deviendraient des aliments importants de notre cuisine, comme la farine de sarrasin, les flocons d’avoine, les pommes de terre, les haricots de toutes sortes, les lentilles et les fèves de Lima, au sud du Québec. Avant cette période, certaines régions avaient dû recourir à beaucoup d’aliments sauvages pour survivre. Ces aliments sauvages gratuits étaient les bienvenus moyennant l’effort d’aller les chasser, les pêcher ou les cueillir. De plus, ces manques développaient énormément l’imagination des cuisiniers qui devaient sortir des sentiers battus pour s’en sortir et créer, à cette occasion, plein de nouvelles recettes familiales.

À l’heure de l’internationalisation de notre approvisionnement alimentaire, la pandémie que nous vivons nous oblige à revoir l’origine de nos approvisionnements. La nature québécoise, malgré l’augmentation de notre population, demeure toujours généreuse en denrées de toutes sortes. Et de nombreux artisans de nos régions périphériques veulent survivre mieux en contribuant à notre alimentation et survie collective. Tout le monde est évidemment d’accord avec cela. Nos gouvernements sont particulièrement sensibles et favorables à cet approvisionnement local. Mais, à mon avis, chaque personne qui vit seule ou en groupe est responsable de sa survie et de celle de ses enfants.

Certains se feront un jardin, se planteront des herbes sur leur balcon, se feront des provisions de poissons sauvages, de gibiers, de petits fruits, lorsqu’on pourra se déconfiner. D’autres se remettront à faire du pain, de la pâte à tarte, des muffins ou des pâtes alimentaires. Pourquoi ne pas en profiter pour se reconnecter avec nos traditions anciennes en demandant les recettes à nos grands-mères ou nos voisins aînés? Ce site web est plein de recettes anciennes qu’on pourra explorer. 

Toutes ces recettes appartiennent à notre culture culinaire. Il s’avère que toutes les cultures de la planète ont été des moyens pour l’Homo sapiens de lutter contre les lois de la Nature. Ces lois, les savants les étudient pour essayer d’en comprendre la nature, l’origine, le comportement. Chaque composante du monde lutte pour sa survie, comme chaque espèce lutte pour sa pérennité, y compris le covid-19. Les Chinois illustrent bien cette lutte universelle avec le concept du ying et du yang. L’univers, nous apprend la science, est une éternelle recherche d’équilibre entre des forces contradictoires dans l’infiniment grand et l’infiniment petit. Nous cherchons comment équilibrer la force de ce virus entré par effraction dans notre espèce. Réussirons-nous ? Personne ne le sait vraiment, malgré notre optimisme.

Quoi qu’il en soit, c’est le rôle de chacun de se protéger et de se maintenir dans la vie, à notre façon, selon notre culture. Les humains ont appris à le faire depuis des millions d’années. Les petits gestes du quotidien, comme cuisiner, manger, faire la vaisselle, font partie de notre humble réponse à l’envahisseur.

Je vous donne cette semaine une série de recettes inspirées par ma collection de recettes québécoises et par notre garde-manger d’hiver et de printemps.

Bonne cuisine avec prévoyance et créativité.

Et bonnes réflexions sur cet événement majeur de notre époque qui nous donne l’occasion de devenir plus intelligents qu’avant!

Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec