Le Québec cuisine

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Pourquoi mange-t-on de la volaille, le Premier de l’An?

Le Premier Jour de l’année nouvelle est le jour le plus important de l’année, dans notre culture. Les Québécois d’origine européenne sont profondément marqués par cette Fête annuelle. Pourtant, le premier janvier n’a pas toujours été le premier jour de l’année; il l’est seulement depuis l’an 582 lorsque le pape Grégoire imposa son calendrier aux chrétiens d’alors.

Notre calendrier actuel est basé sur le cycle solaire et non pas celui de la lune comme c’était le cas, au Québec, chez les peuples autochtones. Au temps de nos ancêtres celtes, le premier de l’An était le Premier novembre. Le premier de l’An chez nos ancêtres germaniques était aussi  au début novembre, autour de la fête chrétienne de la Saint-Martin, le 11 novembre. – Dans les pays germaniques, les enfants se promènent avec des lanternes, après la tombée de la nuit, et mangent de l’oie rôtie avec les amis et la famille. — Au temps de nos ancêtres romains, le premier de l’An était le premier mars; au début de la chrétienté, c’était ce même calendrier julien imposé dans tout l’empire romain par Jules César, en l’an 45 avant notre ère.

L’Habitude de manger de la volaille le premier de l’An remonte à l’époque des Celtes et des Germains, il y a 5 000 ans. On mangeait de l’oie ou du canard parce que ces oiseaux présents chez eux en été seulement, quittaient le pays en même temps que la chaleur et le soleil. Chez les Romains, c’était un peu la même chose, on mangeait de la volaille parce que c’était le jour où les oies et les canards ramenaient la chaleur et la lumière. Par conséquent, manger de la volaille le premier de l’an, c’était une façon de conserver la présence du soleil, en soi, et tout ce que le soleil représente pour l’être humain et la nature. La volaille sauvage suit le soleil; c’est pourquoi on l’associe au premier jour de l’année où la lumière, s’en va ou s’en vient, comme le faisaient nos peuples fondateurs d’origine européenne.

Pour les peuples autochtones, la consommation de la dinde ou de l’outarde était associée aussi à l’abondance de la Vie et à la générosité de la nature. On l’associait aussi au mois où la lumière s’en va ou revient. Les Cris de la Baie James célèbrent toujours le Goose Break, qui a lieu généralement en mai, à cette latitude. Les nations algonquiennes de la Nouvelle Angleterre mangeaient la dinde, à la fin novembre. Les Innus mettent de l’outarde au menu de Noël.

La tradition de consommer de la dinde à l’Action de grâces et à Noël, chez les Américains, remonte à cette tradition autochtone. Lors de mon enquête dans la région de Québec, en particulier, j’ai constaté qu’en Nouvelle-France, on élevait les volailles en particulier pour fêter le Premier de l’An; on mettait sur la table, de l’oie, du canard, du pigeon et de la dinde. C’était le cas à la fin du XVIIe siècle jusqu’au milieu des années 1950.

Pourquoi ne pas reprendre cette tradition avec tout le symbolisme qu’elle exprime? Chez les peuples fondateurs du Québec, les volailles sauvages ou domestiques sont porteurs de chaleur, d’émotions vives, de clarté rassurante et de lucidité. Se rebrancher sur cette coutume culinaire, c’est aussi un moyen de célébrer notre identité particulière : nous sommes un peuple nordique avide de lumière et de soleil. La volaille est notre Floride!

Je vous souhaite donc une année 2017, chaude et lumineuse!

Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec.