Le Québec cuisine

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Parlons du maïs sucré et de la barbotte, 2 amateurs de chaleur de notre patrimoine culinaire !

Nous avons parlé du maïs céréale, en début d’année, parce que le maïs sous toutes ses formes, est l’un des aliments qui exprime le plus notre identité culinaire. La farine ou la semoule de maïs a été l’aliment fondateur des nations de langue iroquoïenne du Québec de même que des nations de langue algonquienne du sud de notre territoire. Il était l’équivalent de la farine de blé pour les nations européennes.

Mais il faut savoir que les agriculteurs autochtones plantaient plusieurs sortes de maïs destinés à des utilisations culinaires différentes : certaines variétés convenaient bien pour le maïs lessivé ; d’autres gonflaient mieux sous l’action de la chaleur et étaient destinées au maïs soufflé ou pop corn ; certains maïs donnaient un jus excellent, d’autres germaient bien et assuraient de la verdure pour l’hiver, enfin, certaines variétés se mangeaient jeunes et crus, alors que les grains étaient très sucrés. Selon les missionnaires jésuites, leur nom se traduirait par « bébé maïs ». Les adolescents les cueillaient en collation et les mangeaient crus, en cours de journée. Ces variétés sucrées étaient plus petites que les autres et toujours cueillies les premières.

En mélangeant ces variétés dans les champs, on obtenait des variétés uniques qui finissaient par s’identifier à un village ou une nation. C’est pourquoi, lorsqu’on ne voulait pas avoir une seule sorte de maïs, on devait les planter dans des champs différents. Ce que faisaient toujours les grands-mères iroquoïennes qui connaissaient bien leur maïs.

Sous le Régime français, puis jusqu’au début du XXe siècle, les Français qui plantaient du maïs dans leur jardin, n’avaient pas la connaissance des autochtones sur cet aliment. Ils finirent par créer un maïs unique qu’on appela le blé d’Inde canadien et qui pouvait se manger facilement si on le consommait à l’intérieur de 2 h après sa cueillette. Il était alors délicieux et sucré. Si on attendait trop, les grains transformaient le sucre en fécule et on disait qu’il devenait farineux. À la mi-septembre, le blé d’Inde devait être bouilli plus longtemps et on l’utilisait plus dans des recettes ; on le mettait aussi en conserves familiales pour l’hiver. Lorsque l’industrie alimentaire décida d’offrir un maïs plus sucré à sa clientèle, on commença à chercher dans les communautés autochtones de l’Amérique, des variétés qu’on pouvait croiser avec des variétés plus grosses et plus rentables pour l’industrie. C’est ainsi qu’est né le « blé d’Inde de cannerie », dans les années 1950. Les conserves récentes de maïs en crème sont particulièrement sucrées, sans ajout de sucre supplémentaire.

 Nos épluchettes de blé d’inde, aujourd’hui, se font avec du maïs transformé très sucré qui peut conserver son sucre beaucoup plus longtemps qu’avant. Il se congèle magnifiquement bien en épis ou en grains, pour l’hiver. Si on a de la place pour en faire des provisions, cela est très rentable ; on peut multiplier par 10, l’économie qu’on fait sur l’achat d’une boite de maïs en hiver.

Quant à l’autre aliment en vedette, cette semaine, il est question de barbotte. Ce poisson est la vedette de la gibelotte de Sorel et de plusieurs recettes de bouillottes que j’ai collectionnées de la Côte-du-Sud jusqu’à Valleyfield. Il y a 3 variétés de barbottes chez nous mais la plus répandue est la barbotte brune qui vit dans les eaux chaudes des anses du fleuve Saint-Laurent de même que dans les affluents du fleuve. Il faut la mettre dans des plats qui contiennent des herbes, des épices, de l’acidité afin d’éliminer son gout parfois un peu vaseux, si on l’a pêché tard en saison, lors des grandes chaleurs. La présence de tomates, de vinaigre ou de vin blanc dans les recettes nous prémunissent contre ce danger. Plusieurs recettes jumellent la barbotte au maïs sucré, comme le faisaient les Iroquoiens de Mitsuna, village iroquoïen situé à l’embouchure du Richelieu, au moment de la visite de Jacques Cartier au Québec, en 1535. Les découvertes archéologiques de Pointe-du-Buisson et de Tracy ont confirmé ce type d’association. Quoi qu’il en soit, la barbotte appartient à la culture culinaire du Sud-Ouest du Québec comme la quiaude appartient à l’Est du Québec; c’est donc un poisson de chez-nous comme la morue.

Sur ce, je vous souhaite une belle semaine.

Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec.