Historiquement, les entrées sont des plats servis en début du repas principal de la journée, à la place de la soupe. Elles sont nées en France, au début du XIXe siècle, mais sont issues des anciennes collations que l’on prenait particulièrement les jours de fête. On y servait de petites quantités d’aliments rares ou dispendieux, issus de la mer, de la forêt ou de l’étranger, ou de plats longs et difficiles à faire. On a commencé à parler d’entrées, chez nous, au milieu du XIXe siècle. Ce sont d’abord les gens riches et éduqués, en contact avec la France, qui les ont popularisées, dans les années 1830. Les gens de l’Institut canadien, par exemple, étaient entichés de tout ce qui venait de la France, dont la nouvelle cuisine française raffinée et complexe créée par Marie-Antoine Carême (1784-1833).
Les entrées peuvent être chaudes ou froides. On servait, dans les grands repas d’apparat ou les grands restaurants, une entrée froide et une entrée chaude. Aujourd’hui, l’une de ces entrées est remplacée par un amuse-bouche. Il y a de plus, actuellement, une mode qui s’installe en restauration, de servir un choix d’entrées plutôt que la séquence habituelle du repas. On goûte à plus de choses, mais en petites quantités.
Les entrées issues de la mer ou d’ailleurs sont les plus fréquentes, au Québec, car on garde les viandes connues pour le plat principal. Voyons d’abord quelques exemples d’entrées chaudes :
Les crêpes au poisson en entrée se font de différentes façons : la tradition autochtone veut qu’on mette le poisson cuit ou les œufs de poisson frais dans la pâte à crêpe même. Les Atikamekw l’appellent un watassé qu’ils préparent surtout avec du brochet, du doré ou du corégone. Les Cris et les Inuit en sont aussi friands. Chez les Québécois d’origine européenne, on garnit plutôt la crêpe de poisson en sauce blanche ou sauce crème. Les poissons choisis sont des poissons de proximité; dans la Plaine du Saint-Laurent, on fait les crêpes au poisson avec de l’achigan, de l’alose, du brochet et du doré. Les gens des Iles de la Madeleine font aussi une crêpe au saumon en conserve mis dans la pâte à crêpe qu’ils servent avec uns sauce blanche aux fines herbes. Les crêpes aux fruits de mer se font avec des crevettes à Sept-Iles et à Matane, au homard aux iles-de-la-Madeleine et en Gaspésie, au crabe sur la Côte-Nord et dans le Bas-Saint-Laurent. Autrefois, on prenait des œufs d’oiseaux de mer ou de canards de mer pour faire ces crêpes. Les crêpes aux crustacés sont des entrées de prestige, chez nous. Les petits feuilletés au poisson ou fruits de mer sont des entrées récentes amenées par des chefs français installés au Québec. On en fait au saumon et fromage blanc, aux saucisses de fruits de mer, aux moules et crème de curry, au touladi et blanc de poireau en Abitibi, aux huitres en crème, à la truite beauceronne, au saumon de la rivière Ouelle avec épinards. Le poisson chaud sur laitue en entrée est un rappel historique d’une vielle tradition remontant à nos coureurs des bois. Ces derniers s’arrêtaient parfois pour diner, au pied d’un rapide qu’ils devaient franchir en portageant leurs bagages et leur canot. Ils pêchaient facilement du poisson au pied des rapides, puis se ramassaient des feuilles sauvages avec lesquelles ils se faisaient une bonne salade qu’ils mangeaient avec le poisson parfaitement frais. Ce plat revient en force aujourd’hui et est parfaitement santé. Les Laurentides font un carré d’aiglefin pané qu’ils servent sur de la laitue frisée avec de la mayonnaise; le Saguenay fait aussi des petites truites mouchetées meunière sur une salade à la crème et oignons verts. Les soufflés de poisson ou de fruits de mer nous viennent de la cuisine française classique; on les fait surtout avec de la truite mouchetée ou de la truite de mer partout au Québec, de la morue salée et de la laitance de hareng en Basse-Côte-Nord, de l’esturgeon jaune fumé en Abitibi, du saumon ou du touladi en Matapédia et du brochet à Montréal. Les soufflés de fruits de mer se font avec du crabe des Iles-de-la-Madeleine ou du Bas-Saint-Laurent, avec des huitres dans la Baie-des-Chaleurs et des pétoncles à Berthier-sur-Mer. Mais on fait aussi des soufflés-repas en ajoutant du pain déchiqueté ou de la purée de pommes de terre aux œufs et à la béchamel de la recette classique. Cela se fait avec du capelan sur la Côte-Nord, et du saumon et de la morue, en Gaspésie. Les tartelettes de fruits de mer sont populaires en Minganie où on les fait avec du crabe; aux Iles-de-la-Madeleine, on les prépare avec des crevettes, des palourdes ou du crabe; en Baie-des-Chaleurs avec des huitres et de la crème citronnée; dans le Bas-Saint-Laurent, avec du crabe et des carottes râpées. Les vol-au-vent à la sauce au poisson sont des entrées populaires chez nous. En entrée, on les fait avec des petits vol-au-vent. Les sauces blanches ou les sauces crème aux herbes et au poisson sont les plus populaires. Les poissons à chair rose orangé sont les plus choisis (truite mouchetée, truite rouge ou omble de l’Arctique, truite arc-en-ciel, touladi, ouananiche ou saumon). Mais on en fait aussi avec du flétan du Groenland en Haute-Côte-Nord, avec de l’alose dans le Bas-Saint-Laurent, avec des éperlans de lac ou de la barbotte dans les Laurentides, de la laquaiche en Outaouais ou du thon en conserve dans la région de Montréal. Les vol-au-vent à la sauce aux fruits de mer comprennent ceux qu’on fait avec des crevettes, des moules, des palourdes et des huitres, là où ces produits sont disponibles.
Quant aux entrées froides, il faut d’abord rappeler que la plupart des anciennes collations de poisson ou de viande sont aujourd’hui aussi servies en entrée. Je pense aux poissonx, fruits de mer et viandes fumés ou marinés que l’on mangeait, autrefois, en soirée, lors d’une soirée de jeu ou de danse.
On présente aujourd’hui le poisson ou les fruits de mer marinés en salade, le poisson et les fruits de mer fumés avec des rondelles d’oignon rouge, des câpres, des fleurs comestibles et une huile pressée à froid bien gouteuse. Il faut aussi parler du poisson et des fruits de mer au sel que l’on mangeait froids, en petit repas, avec des pommes de terre chaudes. Ce type de plat est aujourd’hui pratiquement disparu de nos tables, mais il serait souhaitable de le remettre au menu en diminuant le sel et en utilisant le réfrigérateur après avoir salé le poisson ou les fruits de mer. Dans cette catégorie, on entre le hareng et la sardine salés aux oignons, aux tomates, au jus de tomate, à la salade de pommes en vinaigrette, au vin blanc, à la bière brune ou noire, à l’huile d’olive et échalotes, à la crème douce ou sure, de même que la morue salée au curry ou aux tomates et ail. Au Saguenay, on salait autrefois du saumon qu’on prenait en abondance dans le fjord et qu’on mangeait râclé, sur du pain de ménage. Sur la Côte-Nord, on salait aussi des pentures de coques et des buccins que l’on consommait crus avec de la bière. On fait aussi beaucoup de salades de poissons et de fruits de mer en entrée qui se présentent en coupe, comme un cocktail de crevettes, comme celles de bourgots, de couteaux de mer, de mactres de Stimpson, de queues d’écrevisses, d’encornets avec vinaigrette. N’oublions pas, enfin, les salades de hareng fumé qui s’associeent bien aux verdures sauvages comme le pissenlit et le plantain, aux haricots blancs, aux pommes de terre, aux lentilles et aux betteraves. Les tartares de poisson sont à la mode. Les Inuit du Québec se nourrissaient beaucoup de poisson et de mammifère cru autrefois. Le muktuk (chair de bélouga ou de baleine) est d’ailleurs encore très prisé par les ainés du Nunavik. Les Inuit mettent peu de choses sur leur poisson cru : des mélanges d’épices, des petits fruits ou herbes acidulés comme l’ozyrie de montagne et c’est tout. Les terrines ou les mousses de poisson ou de fruits de mer sont aussi populaires. Voici quelques modèles québécois : en Outaouais, on fait une terrine de brochet ou de maskinongé qu’on sert avec une sauce tartare; en Haute-Côte-Nord, on en fait une avec de l’anguille, des champignons et du persil. Nos mousses de poisson ou de fruits de mer se font avec du saumon, des écrevisses, des crevettes, du homard, du crabe, de l’ombre de l’Arctique, de la truite, de la ouananiche ou de l’esturgeon fumé. On en trouve de plus en plus dans nos marchés d’alimentation qui sont préparées avec compétence par des gens de chez nous. Mais on peut les faire facilement et à meilleur cout avec des restes de repas de poisson ou de fruits de mer. On congèle ces restes et on les sort au moment de faire nos terrines ou nos mousses.
Les entrées de viande sont un peu moins fréquentes. Voici les types d’entrées chaudes les plus courantes: les abats en sauce ou en beignets, les cassolettes ou timbales de viande, les crêpes, les croûtons, les feuilletés de même que les viandes chaudes servies sur salade. Les entrées froides de viande sont plus courantes: les charcuteries salées ou séchées, les galantines ou gelées de viande, les mousses de viande (jambon, poulet) ou d’abats (foie de poulet), les pains de viande, les pâtés de foie, les salades de viandes froides, les tartares, les terrines, les pâtés de campagne, et les viandes froides sur salade.
Les entrées végétariennes sont de plus en plus populaires. Dans les entrées chaudes, on rencontre les beignets de légumineuses ou de légumes, les cassolettes ou timbales de légumes cuits, les crêpes ou les feuilletés farcis aux légumes rares, les fromages chauds sur salade, les légumes au beurre ou en sauce légère (épis de maïs), les soufflés aux légumes, les tartelettes ou mini-quiches végé, les tranches de légumes poêlées (courgettes, aubergines, tomates vertes) et les vol-au-vent avec sauce végé. Dans les entrées froides, on parle des aspics, des brochettes de crudités, des flans ou mousses de légumes, des oeufs farcis, des salades de fromage ou d’oeufs, de légumes divers et des terrines ou pâtés végétariens.
Cela vous donne un bon aperçu de ce qui nous distingue dans le monde des entrées.