Le Québec cuisine

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Le futur de notre identité (suite)

Michel Lambert-blog

Je poursuis, cette semaine, ma réflexion sur ce qui fera notre identité future, au plan culturel et au plan culinaire.  J’essaie de répondre à la question d’un journaliste qui demandait à Gérard Bouchard ce qu’il entrevoyait comme principal facteur identitaire pour les immigrants qui s’installent de plus en plus nombreux au Québec. 

Je vous disais la dernière fois que c’est la réalité de notre territoire avec ses diverses ressources et ses habitants d’origines diverses qui orienteraient notre futur. Ce qui a donné un caractère distinctif à notre passé, à toutes les époques de notre histoire territoriale, c’est la relation que nos ancêtres ont établi avec les ressources de notre territoire ou celles qu’ils ont amenés d’ailleurs en les adaptant à notre territoire nordique. 

La rencontre du territoire et des cultures ethniques ou nationales  fait l’identité d’un territoire. Dans tous les pays démocratiques, ce sont les majorités ethniques ou nationales qui imposent le caractère fondamental de cette identité. Malheureusement, il y a encore beaucoup de territoires dans le monde qui sont des conquêtes exercées par des dictateurs, des extrémistes ou des empires avides de puissance qui veulent imposer leurs croyances morales et religieuses et bien sûr, leur système politique ou économique. Les nations autochtones du territoire québécois ont connu cela avec la France, lorsque Jacques Cartier a planté sa croix à Gaspé au nom de François Ier, roi de France. Et la Nouvelle-France connut cela aussi, avec la conquête de l’Angleterre, en 1760.

Mais dans tous les cas, la cuisine familiale autochtone, puis française, a fait oeuvre de résistance à cette imposition en conservant ses habitudes ethniques. Cependant, l’arrivée du conquérant amena de nouveaux aliments, de nouveaux plats, une nouvelle approche culinaire qui a fini par modifier les habitudes ethniques initiales, au cours des siècles. 

Ce qui est surprenant, au niveau de la logique, c’est l’ouverture à la cuisine de l’autre, conquérant, immigrant ou visiteur, même si on n’aime pas sa manière d’être ou de penser.

Notre cuisine historique illustre parfaitement cette ouverture à l’autre, même à notre ennemi. Elle raconte l’adoption de l’agriculture mexicaine par les Iroquoïens du Saint-Laurent; l’adoption du maïs ou de cette agriculture par les nations de langue algonquienne ; la réception de la galette de blé basque par les Innus de la Basse-Côte-Nord ; l’adoption de la farine de blé, des pois secs et des légumes racines français par les Montagnais de Tadoussac ou de Québec ; l’adoption de la citrouille, des haricots et du blé d’Inde par les colons français de Québec, Trois-Rivières et Montréal ; l’adoption du rosbif, du pouding, et des grands-pères anglais par les « Canayens » ; l’adoption des cretons, des pâtés à la viande et de la tarte au sucre franco-québécoise par les conquérants britanniques ; l’adoption par tous les Québécois du XIXe siècle, des macaronis, des vermicelles et spaghettis amenés par les Italiens venus construire nos chemins de fer ;  puis l’intégration de plats des immigrants comme la goulash hongroise, les tortillas mexicaines, le chili tex-mex, le riz frit chinois, le boeuf bourguignon, la raclette et les fondues de la Suisse, la fondue chinoise, les suchis, etc. apportés au XIXe et XXe siècle ; puis le pâté chinois, les fèves au lard, la poutine québécoise adoptés par les mêmes immigrants au XXe siècle.

La cuisine est le premier pas vers l’autre. Elle contribue au métissage des cultures et des peuples. 

Mais elle démontre encore une fois qu’une identité culinaire n’est jamais fixe ; qu’elle se construit sans arrêt. Ce qui ne veut pas dire que la cuisine est une tête folle qui se tourne à tous les vents. Non !

La vraie cuisine familiale repose toujours sur des racines millénaires, toujours présentes dans notre quotidien. Notre épluchette de blé d’Inde vient de nos ancêtres mayas. Notre soupe aux pois vient de nos ancêtres celtes. Notre jambon bouilli vient de nos ancêtres francs. Notre sauce blanche vient de nos ancêtres Vikings. Nos tartares de poisson contemporains viennent des Asiatiques du Nord, ancêtres de nos Inuits et des Japonais. La vraie cuisine familiale est multimillénaire.

La cuisine de demain reposera donc sur des apports ethniques étrangers, mélangés à des créations locales issues de la rencontre entre les ressources de notre territoire et toutes les ethnies venues peupler ce territoire. Le métissage en question impliquera, bien sûr, des créations mélangeant des recettes ethniques différentes.

Les fèves au lard, le pâté chinois, le cipâte sont des exemples parfaits de plats métissés que j’ai déjà expliqués sur ce site.

Sur ce, je vous souhaite une bonne semaine.

Michel Lambert