Permettez-nous, d’abord, de nous excuser pour le retard de publication du blogue de la semaine dernière. Notre serveur-web est tombé en panne le samedi 28 août, à cause d’un incident majeur. Il a fallu attendre la réinstallation de nos données, lundi, en fin de journée, pour mettre notre blogue en ligne. Heureusement, notre serveur a su récupérer nos données avec succès.
Nous avons vu, la semaine dernière, que la culture iroquoïenne est issue de peuples très anciens qui ont habité les rives du fleuve et du golfe Saint-Laurent, la région des Grands Lacs ontariens et new-yorkais de même que la forêt feuillue du Nord-Est des États-Unis. Ses racines ont donc au moins 14 000 ans. Ces peuples se nourrissaient principalement de mammifères marins, de coquillages, de poissons, plus rarement de gibiers de la forêt décidue et de plantes sauvages. Au moment où les Européens les ont rencontrés pour la première fois en Gaspésie et sur la Côte-Nord, les Iroquoïens occupaient la plaine du Saint-Laurent, du lac Érié, en Ontario, jusqu’au Cap Tourmente, en aval de Québec. Jacques Cartier les a décrits, pour la première fois, lorsqu’il mit le pied à Gaspé, en 1534. Un groupe de 200 Iroquoïens de Stadakoné (Québec) était venu, en famille, pêcher le maquereau dans le golfe pour se faire des provisions pour l’hiver. Les archéologues ont identifié leur présence jusqu’en Basse-Côte-Nord, à la même époque. Ce qui paraît évident pour nous, c’est que les poissons gras qu’ils aimaient comme le saumon, l’esturgeon, l’anguille, le hareng, le maquereau et la truite de mer, étaient leurs préférés pour le fumage ou le séchage de poisson de provision plutôt que les poissons maigres que l’on trouvsit dans les eaux douces, en amont du fleuve. Mentionnons aussi qu’au moment où les ancêtres des Iroquoiens s’installèrent autour du lac Ontario, l’eau était salée. On pouvait donc y pêcher les poissons gras de l’Attlantique et y chasser les mammifères marins sans problème. C’est pourquoi, sans doute, à l’époque de Jacques Cartier, on continuait de fréquenter l’eau salée pour s’approvisonner en poissons d’eau salée. Certains poissons anadromes* et catadromes* leur facilitaient la tâche.
Jacques Cartier et son équipage découvrirent en même temps que les iroquoïens étaient aussi des agriculteurs et qu’ils se nourrissaient principlement de maïs qu’il baptisa « blé d’Inde » parce que cette céréale lui apparut comme l’équivlent américain du blé européen.–On se rappellera qu’il se croyait en Inde. En 1535, Cartier revenait au Québec pour visiter les principaux villages iroqoïens: Stadakone, Mitsouna et Hochelaga (Québec, Sorel et Montréal). En 1541, les Français s’installaient à Cap-Rouge, en amont de Québec, sous la direction de Roberval, lieutenant de Cartier. Mais les duretés de l’hiver québécois eurent raison des Français qui plièremt bagage, le printemps suivant. Il fallut attendre la venue de Champlain, au tout début du XVIIe siècle pour voir d’autres Français prendre racine au Québec. Mais, à leur grand étonnement, les communautés iroquoïennes de jadis étaient complètement disparues. Le fleuve était désormais inoccupé, quoique visité par les peuples de langue algonquienne et leurs alliés hurons de même que par leurs ennemis iroquois de l’État de New York qui atteignaient le fleuve par la rivière Richelieu ou par le fleuve lui-même. Champlain et les Français firent alliance avec les Hurons, les Montagnais (Innus) et les Algonquins, dès 1603, à Tadoussac. Les Français devinrent donc les ennemis des nations iroqoises, les Agniers du lac Champlain et les 5 Nations iroquoises, au sud du lac Ontario. Il fallut attendre le début du XVIIIe siècle pour faire la paix avec eux. (1701, La Grande Paix de Montréal).
Les Iroquoïens de cette époque n’avaient pas de système d’écriture pour raconter leur monde à eux. Ce sont les religieux et religieuses catholiques, les coureurs des bois qui savaient écrire de même que les administrateurs français qui ont décrit leurs habitudes alimentaires, avec honnêteté, mais avec les préjugés de leur culture européenne. Heureusement, les fouilles archéologiques contemporaines avec l’analyse de l’ADN des restes alimentaires trouvés dans les dépotoirs de leurs villages permettent de préciser et de compléter les données textuelles.
La cuisine huronne a d’abord été décrite par le frère Gabriel Sagard, convers récollet qui vécut chez eux en 1623-1624 et qui écrivit Le Grand Voyage au Pays des Hurons, publié en France en 1632. Les jésuites Jean de Brébeuf et Jérôme Lalemant ont continué de les décrire dans leurs Relations annuelles de 1634 jusqu’à leur mort atroce, en 1648 et 1649, causée par les Iroquois, ennemis jurés des Hurons. Les Hurons christianisés furent invités par les Français à s’installer près d’eux, à Québec. Leurs descendants habitent Wendake, au nord-ouest de Québec. Comme les autres peuples de notre territoire, leur nation s’est largement métissée avec d’autres nations autochtones comme les Innus, les Algonquins, mais aussi avec des Français et des Anglais. Ce métissage s’est, entre autres, fait aux siècles derniers. Certains Hurons ont, comme ancêtres, des orphelins français ou de jeunes prisonniers anglais amenés de Nouvelle-Angleterre lors des guerres de la Nouvelle-France et de la Nouvelle-Angleterre. Au XIXe siècle, les Hurons acceptaient les enfants français nés illégitimement. La proximité de Wendake et de Québec a fait en sorte que le français est désormais la langue parlée de Wendake. Je vous invite à lire le résumé de la cuisine huronne que j’ai déjà fait sur ce site ( http://www.quebecuisine.ca/?q=la-cuisine-huronne-ou-wendate ).
La cuisine iroquoise a été décrite par les Jésuites qui ont séjourné chez les 6 nations, au sud du lac Ontario, et par Pierre-Esprit Radisson qui a été fait prisonnier par les Agniers du lac Champlain, lorsqu’il avait 15 ans. Ces 6 nations sont les Mohawks, les Onneiouts, les Onondagas, les Sénécas, les Cayugas et les Tuscaroras. Par la suite, Frederic W. Waugh a décrit leur cuisine en détail dans Iroquois Foods and Food Preparation, publié en 1916 par le Département des Mines du Canada (no 1612, 235 p.). Je vous invite à lire le résumé de leur cuisine sur ce site. ( http://www.quebecuisine.ca/?q=la-cuisine-des-mohawks ). Les Mohawks qui habitent les 3 communautés autochtones de Montréal (Kahnawake, Kanesatake, Akwesasne) sont aussi issus du métissage de plusieurs ethnies, dont les Agniers du lac Champlain et les Mohawks appartenant aux 6 Nations de l’État de New York, les Français, les Anglais et plusieurs nations de langue algonquienne. Leur coutume ancestrale, lors de leurs guerres avec leurs ennemis hurons, algonquins ou innus, était de garder les femmes et les enfants de leurs ennemis pour accroitre leur communauté. Seuls les hommes étaient torturés et tués. L’image plutôt négative qu’ont les Franco-Québécois des Mohawks remonte au XVIIe siècle; la littérature des missionnaires, puis des historiens francophones nous ont légué une image négative des Iroquois, les présentant comme un peuple cruel et et sans scupule. Heureusement, plusieurs anthropologues et intellectuels iroquois du XIXe et XXe siècle ont rétabli la vérité sur ces nations d’origine iroquoise.
En terminant, je vous invite à lire le blogue que j’ai écrit, sur ce site, le 10 novembre 2019, sur l’héritage culinaire iroquoien: http://www.quebecuisine.ca/?q=node/4437/edit. J’y donne de nombreux exemples de la présence de cette culture culinaire dans notre cuisine traditionnelle et contemporaine.
La culture iroquoienne nous donne plus que des recettes de maïs, de citrouille, de courges et de haricots. Elle nous propose un régime alimentaire où les plantes forment l’essentiel d’un bon régime de vie, accompagnées surtout de produits aquatiques et très occasionnellement, de gibier, lors des fêtes annuelles. On peut s’y référer plutôt que de toujours emprunter des régimes de l’extérieur comme modèle alimentaire canadien ou québécois. De plus, la culture iroquoïenne nous propose un modèle sociétal où la femme et l’homme sont égaux. Les femmes y ont toujours joué un rôle décisionnel dans les choix cruciaux de leur société. Les grands-mères, entre autres, y étaient les sages des communautés.
La semaine prochaine, nous aborderons l’apport culinaire des communautés de langue algonquienne.
D’ici là, bonne semaine à tous.
Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec