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Qu’en est-il des asperges sur nos tables?

L’asperge est une plante vivace d’origine eurasienne qui pousse de façon sauvage dans le pourtour méditerranéen. Elle aime les terres désertiques et sablonneuses, d’où sa popularité en Europe du Sud. Les Grecs et les Romains ont suivi les Égyptiens qui les consommaient déjà au début de leur civilisation. Mais ce sont les Romains qui les auraient cultivées, les premiers, 200 ans avant J.C..

Les paysans gallo-romains l’aimaient beaucoup dans le sud de la France où elle poussa encore de façon sauvage jusqu’au Ve siècle de notre ère. Ce sont les tribus germaniques qui auraient preque tout arraché les asperges sauvages de la France en s’installant progressivement en France. Certains monastères commençèrent à en planter secrètement dans leurs jardins. Comme les turions d’asperge ont une forme phallique, certains supérieurs de monastères empêchèrent qu’on les cultiva  pour ne pas inciter les moines à la luxure. Mais l’asperge était encore très populaire auprès des gens ordinaires, tel que rapporté par le truculent Rabelais, à la fin du Moyen Âge. À la Renaissance, les jardiniers de Catherine de Médicis perfectionnèrent sa culture et l’asperge devint un mets de roi. Au XVIIe siècle, Louis XIV en était très friand.

C’est Pierre Boucher qui signale la présence de l’asperge dans les jardins québécois, dès 1664. Sous le Régime français, les gens de l’ile d’Orléans en cultivaient beaucoup qu’ils allaient vendre au marché de Québec. Et cette habitude se perpétua sous le Régime anglais au moins jusqu’en 1820, selon les recherches faites sur la Place Royale de Québec. Au début du XIXe siècle, dans Charlevoix, on présentait l’asperge en compagnie de l’agneau, aux premiers touristes américains. Mon répertoire contient au moins 170 recettes québécoises avec des asperges. Aujourd’hui, on peut s’en procurer des vertes, des blanches et des violettes. Les blanches sont, dans les faits, des asperges qui poussent complètement à l’abri de la lumière pour empêcher le processus de la chlorophylisation. Les violettes sont des asperges qui ont poussé à l’abri complet de la lumière, mais qu’on expose à la lumière en leur fin de vie. Ce sont, cependant, les asperges vertes qui sont les plus populaires au Québec. Nos archives révèlent que l’on a toujours consommé des asperges, dans toutes les régions du Québec. Monsieur Petit de Chicoutimi écrivait dans son journal, le 1er mai 1886, que ses asperges avaient au moins 6 pouces de haut. Les menus festifs que l’on servait aux travailleurs dans les cafétérias des grands chantiers de construction des barrages de la Baie-James ou de la Manicouagan révèlent que les asperges accompagnaient souvent les surf and turf composés principalement de filet mignon et de homard, servis à la fête des travailleurs, le 1er mai. Rien n’était trop beau pour la classe ouvrière, aurait dit un certain Monsieur Chartrand.

Je vous donne quelques exemples de ma collecion qui comprend plus de 170 recettes d’asperges recueillies dans toutes les régions du Québec, de même que quelques recettes venues d’ailleurs et ramenées chez nous par des travailleurs ou des touristes québécois.

Les asperges font partie des petits plaisirs de la saison, en ces temps de confinement. Profitez-en en allant les chercher chez les producteurs, près de chez vous. Elles se congèlent très bien et l’on peut s’en faire des provisions pour l’hiver.

Michel Lambert, historien de la cuisine familiale duQuébec