Le Québec cuisine

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Qu’en est-il de nos condiments préférés?

Les condiments sont des aliments à saveur identitaire distinctive qu’on utilise pour relever les plats au goût plutôt neutre. Ces aliments viennent du monde animal, végétal et minéral. Dans le monde animal, on utilise les os et les viandes pour créer des bouillons que l’on peut réduire et concentrer pour accentuer leur gout; les bouillons de poule et de boeuf sont les plus connus. On peut aussi utiliser les têtes, les queues et les ouies des poissons de même que les carapaces des crustacés pour faire des bouillons ou concentrés de poissons ou de fruits de mer. Le même genre de concentré se fait avec des légumes, dont le célèbre mirepoix français composé d’oignon ou de poireau, de carotte et de céleri. On classe dans le monde des condiments végétaux, les herbes et les épices dont nous avons parlé, il y a quelques semaines. Enfin, le principal condiment mondial nous vient du monde minéral: c’est le sel de mer ou de gemme. 

Dans notre culture culinaire d’origine, le sel n’était pas utilisé pour assaisonner les aliments. Ce sont les Français qui l’ont installé dans la culture autochtone, au XVIIe siècle. Les Français l’utilisaient énormément pour conserver leurs viandes, leurs poissons et leurs herbes aromatiques. Malgré que l’on prenait le soin de dessaler les aliments, il en restait toujours assez pour imposer ce goût aux aliments. De plus, les Français étaient très amateurs de sauces relevées à base d’aliments puissants comme le vinaigre, la moutarde, le raifort souvent combinés à du sucre issu des fruits séchés, du miel ou de la mélasse. Le sucre était, au XVIIe siècle, encore considéré comme une épice, au même titre que la cannelle ou le clou de girofle. En s’intallant chez nous, les Anglais apportèrent leur gout prononcé pour le sucre, le raifort, le vinaigre de menthe et la moutarde sèche. De plus, ils nous apportèrent plusieurs sauces secrètes de leurs colonies asiatiques et américaines. Plusieurs sont entrées dans nos moeurs au point qu’on les considère comme nos principaux condiments, aujourd’hui: pensons à la sauce soya, au ketchup dont le mot vient du chinois ket-siap, à la sauce Worcestershire, à la sauce Tabasco, à la sauce Angostura, à la sauce chili, à la Hot Sauce, etc. L’immigration chinoise, puis vietnamienne et thaïe nous initièrent à plusieurs autres sauces salées-sucrées qui font de plus en plus partie des condiments de nos armoires comme la sauce au poisson, la sauce Hoi Sin ou l’huile de sésame. 

Les Français apportèrent aussi, au XIXe siècle, lors de leur retour au Canada, de nombreuses sauces comme la mayonnaise, la moutarde préparée, qui venaient compléter les olives, les câpres, les agrumes confits, les saupiquets du XVIIe siècle de même que les condiments autochtones comme la fumée, les petits fruits sauvages acidulés et sucrés et les huiles parfumées de noix cendrée ou de tournesol sans oublier les huiles de bélouga ou de phoque, si aimée des Inuits.

Nous découvrons, à l’heure actuelle, de nouveaux condiments qui appartiennent à notre territoire, comme les huiles de sapin, d’épinette, de mélèze, de menthe sauvage, ou de nouvelles épices comme le poivre des dunes issu de l’aulne crispée, l’eau de mélilot semblable à la vanille, l’huile de cameline nouvellement implantée chez nous, originaire de l’Asie centrale et de l’Europe du Nord. On peut même acheter de la fumée liquide qui nous rebranche avec nos racines autochtones. Et de l’huile de moutarde indienne qui nous rebranche avec nos racines françaises.

Les condiments mettent du caractère et du piquant dans nos vies!

Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec.